Kyuuji avait réuni tout le monde dans le QG de la Brigade rouge. Il avait revêtu son manteau noir du temple, plus onéreux, plus décoratif et plus précieux que son vieux manteau habituel. Il n’avait visiblement aucun cadeau dans les bras, ni aucun sous le sapin. Cela n’était pas totalement surprenant, la pauvreté du prêtre était bien connue de tous. Pourtant il souriait, de ce sourire de ceux qui sont heureux d’offrir quelque chose aux personnes auxquelles il tient.
Quand tout le monde fut arrivé, il les invita à le suivre dans le jardin, puis les guida à l’extérieur, dans un petit recoin de Lavandière. Un endroit calme, tranquille et à l’écart des regards. Il les invita à s’installer devant lui tandis qu’il s’improvisait un espace presque théâtral.
« Je n’ai pas les moyens de vous montrer ma gratitude et mon attachement comme vous le méritez tous. Je n’ai pas de talent particulier pour vous offrir quelque chose de durable… Par contre, il y a bien quelques choses que je peux faire pour vous. J’espère que ça vous ravira et que vous en garderez souvenir. »
Se disant, Kyuuji ferma les yeux et baissa la tête avant de s’asseoir sur ses talons, dans l’herbe de la Lavandière. Il posa ses mains à plat sur le sol et rapidement, ils purent sentir l’éther affluer vers le Prêtre. D’infime vibrations parcouraient la terre sous leurs pieds et convergeaient vers le Raen. Doucement il se releva, les yeux toujours fermés. De ses mains, partant du sol, des filaments d’éther, visibles, brillants, scintillants, d’un orange-brun chaleureux s’étendaient. Puis le Raen commença à danser dans des mouvements fluides et lents. L’éther de Terre poursuivait ses mains, comme s’il y était relié, formant des arabesques artistiques et brillantes.
Alors que le premier élément avait trouvé sa place dans la chorégraphie de fines gouttes cristallines et bleu d’eau vinrent s’y joindre. Tournant autour du Prêtre et répondant à sa volonté, l’Eau circulaient comme un cycle naturel. De brumes ascendantes aux gouttelettes descendantes. L’herbe se parsemaient de rosée, presque surnaturelle, reflétant et ondulants sous les pieds nus de Kyuuji qui continuait de danser avec cette lenteur infinie.
Puis, venant d’au-dessus, des volutes, tels des foulards translucides traversant le nuancier de vert, tournoyaient en spirale en rejoignant la danse. Le Vent porta les deux autres éléments pour nourrir le cycle, la danse accéléra encore légèrement, Kyuuji était visiblement plus à l’aise avec cet élément qu’avec les deux premier. Bien que le rythme paraissait toujours terriblement lent, l’effort de concentration commence déjà se voir, le front du Raen perlait de transpiration qui rejoignait à son tour la danse.
Suivant les mouvements du Prêtre, l’éther se mêlait, se liait, se concentrait. La Terre brillante formait un pilier, le tronc. Le Vent tournoyait en agitant les feuilles de l’arbre. L’Eau nourrissait et alimentait la Terre, ruisselant le long du tronc et inondant le sol. En y regardant de plus près il s’agissait seulement de l’éther, l’élément visible et éclatant de la nature.
Alors que l’Arbre d’éther était de plus en plus évident, la danse accélérait encore. La concentration du Raen était telle qu’il semblait en transe, ses paupières tremblaient, un fin sourire d’extase se dessina sur ses lèvres, ses mouvements révélant qu’il s’abandonnait presque totalement aux éléments et à l’Arbre. La Lumière, comme venue du Ciel, finit par éclairer l’Arbre de Vie et le danseur d’une douce aura blanche. Les quatre éléments qu’il savait manier étaient réunis dans une chorégraphie presque Sylvestre, tout en langueur et lenteur.
Alors que la danse semblait atteindre son paroxysme en même temps que la transe du Prêtre, tout l’éther se rassembla en lui. Puis explosa. Il répandit autour du Raen des sortes de lianes, ou de branches et des fougères, portées par le vent qui traversèrent les spectateurs sans le moindre mal, au contraire, elles leur rappelaient la force Vitale de la nature.
Après quelques instants, cette explosion douce s’épuisa, les dernières lianes disparurent. L’éther retomba, se dissipa et retourna à son état naturel. Au milieux de la scène improvisée, le Raen était épuisé. Il avait terminé sa danse dans un mouvement venant lui permettre de s’asseoir, les mains de nouveau posées à même le sol, assez similairement à sa position de départ. Il semblait particulièrement heureux du cadeau qu’il leur avait offert, malgré l’aspect éphémère et immatériel.