Kyuuji vit, et sentit, un éclair derrière ses yeux. D’un mouvement brusque, il se redressa et se prit la tête entre les mains en jurant. Venceslas se leva, contourna la table et écarta les mains de Kyuuji pour regarder son front.
— Ça va ?
Le Raen le laissa l’examiner malgré la gêne qu’il éprouvait. Il découvrit une expression sérieuse et compatissante sur les traits du Hyurois.
— Ne bouge pas.
Venceslas ferma les yeux. Kyuuji sentit l’éther afflué autour de lui, peu dense, à peine altéré, mais suffisant pour le soulager de sa douleur. Il se passa une main sur le front sans ressentir le moindre mal. Il regarda ses doigts, mais aucune trace de sang ne les maculait.
— Merci Venceslas.
— Je t’en prie, je suis loin d’être aussi doué que toi.
Le Hyurois retourna s’asseoir et le dévisagea.
— Un nouveau souvenir ?
Continuant à se masser le front, comme pour chasser les vestiges de la douleur, Kyuuji hocha lentement la tête.
— Oui. Nous préparions une opération de sauvetage dans des ruines avec Ydrian.
— Ha, les plans et Ydrian ! s’exclama Venceslas amusé. C’est toujours quelque chose.
— Ça avait l’air, en effet.
L’expression de Kyuuji se fit plus sérieuse, mais sereine. Il avait de nouveaux éléments de sa mémoire et commençait à ressentir la chronologie de sa vie. Il avait l’impression d’avoir accepté quelque chose grâce à ce souvenir. Il se sentait rassuré, plus serein, moins en colère. Il avait l’impression de s’être fait une place. D’avoir une place. Pour la première fois depuis son réveil dans la forêt de Sombrelinceul, il ne se sentait plus perdu.
— Des aventuriers. Nous étions… sommes des aventuriers, payés pour remplir des mandats pour des clients qui ne peuvent s’en charger eux-même et dont les grandes compagnies n’ont pas le temps de s’occuper. Je suppose que c’est une suite assez logique pour d’anciens militaires, et réfugiés de surcroits.
Sans attendre la moindre réponse de son compagnon, Kyuuji désigna les papiers sur la table d’un signe de tête.
— Sont-ce des ordres de missions ?
Venceslas se réjouit. Il le regarda longuement en hochant lentement la tête.
— C’est bien ça. J’ai l’impression de te retrouver un peu, Kyu.
— J’ai l’impression de me retrouver un peu moi aussi.
Ils échangèrent un sourire presque complice avant que Kyuuji reprenne.
— De quoi s’agit-il ?
Venceslas suivit le regard du Raen, sur les feuilles devant lui.
— Les missions ? Des choses assez simples. Dans le doute, j’avais choisi des demandes à effectuer en ville.
Il haussa les épaules et regarda Kyuuji d’un air désolé.
— Maintenant je regrette d’avoir accepté de jouer les coursiers et commis.
— Non, c’est une bonne idée au contraire. Je t’avoue que je ne me sens pas capable de grand-chose. Et je pourrais encore m’évanouir au mauvais moment.
Venceslas acquiesça et tourna un document vers le Raen.
— Cette demande émane du maître de la guilde des élémentatistes. Il cherche quelqu’un pour réceptionner et faire l’inventaire d’une importante livraison.
— Ça n’a pas l’air trop compliqué.
— Je t’avais dit qu’il s’agissait de missions simples.
Le Hyurois prit un autre document et le parcouru du regard avant de le tendre à Kyuuji.
— Celle-ci consiste à réunir différents objets pour le compte d’un tanneur en ville. Il semblerait qu’un marchand itinérant soit de passage aujourd’hui et le client ne peut pas quitter son étal pour faire ses achats.
Kyuuji esquissa un sourire ironique.
— Pour être simple, c’est simple.
— Je t’avais dit que je regrettais d’avoir choisi ces mandats.
— Et les autres ?
— Ils sont moins urgents. Occupons-nous d’abord de ces deux là. Duquel veux-tu te charger ?
Le Raen réfléchit. Aucun ne l’emballait particulièrement. Cependant, il pensait que l’environnement de la guilde des élémentalistes serait sûrement plus rassurant que courir la ville au risque de se perdre. Il reprit le document du tanneur et le rendit à Venceslas.
— Je vais m’occuper de celle du maître de la guilde des élémentalistes.
— Très bien, je t’y conduirais après avoir pris un bon petit déjeuné, il faudra tenir jusqu’à ce soir avec ça.
Le Hyurois plia et rangea les autres documents. Il se retourna et fit un signe de la main à Oswald qui leur apporta une miche de pain, une motte de beurre, un bock de confiture et deux grandes tasses de thé. Un petit déjeuné comme Kyuuji n’en avait pas eux depuis… quand ? Il haussa les épaules mentalement et se régala.