Les cris et bruits de combats tirèrent Kyuuji de son sommeil. Il ne faisait pas encore jour pourtant une inquiétante lueur rouge perçait les rideaux de la fenêtre de sa chambre. Pris d’une soudaine épouvante, le Raen se leva d’un bond et se dirigea vers la porte. Le battant glissa sous ses doigts au moment où un homme en armure l’ouvrit brusquement, l’obligeant à reculer pour ne pas le heurter. D’un geste brusque le soldat attrapa Kyuuji par le bras et le força à le suivre.
— Rejoint les autres et tient toi tranquille !
Bien que parfaitement réveillée à présent, Kyuuji ne comprenait rien à la situation.
— Que se passe-t-il ?
Le soldat le brusqua un peu plus, visiblement contrarié.
— Et tait-toi !
Il mena le jeune Raen jusqu’à l’entrée du temple. La cour accueillait déjà presque tout le village. Les hommes et les jeunes étaient rassemblés d’un côté tandis que les plus âgés, les femmes et les enfants se tassaient de l’autre. Kyuuji fut emmené dans le premier groupe, bientôt rejoint par Venceslas.
Au sein de l’autre groupe, le Raen repéra son père qui serrait son jeune frère contre lui et jetait des coups d’œil alarmés autour de lui. Enfin, leurs regards se croisèrent. Il parut un instant rassuré, mais rapidement il lui fit comprendre qu’il devait s’occuper des gens à proximité. Kyuuji réalisa soudain que parmi les gens de son groupe, certains étaient littéralement effrayés, d’autres choqués, et quelques uns blessés. Le Raen joua son rôle de successeur à la tête du temple. Il rassembla l’éther et échangea quelques mots rassurants. Il conjugua l’effet apaisant de l’éther à celui de ses mots, soulageant la tension des personnes les plus troublées. Il répéta son action plusieurs fois et concentra d’avantage d’éther pour rétablir les blessés.
Ce faisant, Kyuuji attira le regard de plusieurs soldats qui les surveillaient. L’un d’eux pointa son doigt sur lui et dit un mot à son voisin. Celui-ci fendit la foule et se saisit du Raen. Ébranlé par la manipulation de l’éther, Kyuuji se débattit fébrilement, mais la poigne du soldat était bien trop ferme pour y résister. L’homme le conduisit jusqu’à l’entrée de la cour, celle qui donnait sur le village.
Un Roegadyn, tout en armure portant une cape et un heaume plus impressionnant que les autres, les dévisageait.
— Que m’apportes-tu, soldat ?
L’homme qui tenait toujours Kyuuji le força à se mettre à genoux devant le Roegadyn.
— Un mage, Lieutenant Quo Thorne. Il était en train de faire de la magie pour guérir les blessés.
Le Roegadyn sourit, une grimace que le Raen qualifia de dangereuse.
— Voila qui est intéressant. La pêche s’annonce bonne. Emmène-le au convoi.
Kyuuji, qui avait enfin récupéré du contrecoup, se débattit plus franchement et tenta de se libérer de l’étreinte du soldat. L’officier, amusé, regardait la scène sans sourciller. Quand il parut évident que le soldat n’arriverait pas à maîtriser le Raen seul, il fit un geste et un autre soldat s’empressa d’aider le premier.
— C’est qu’il a de l’énergie, le cornu ! C’est bien, le chef sera content. Emmenez-le !
Les deux hommes qui maintenaient Kyuuji au sol le remirent debout. Il profita d’avoir l’officier dans son champs de vision pour lui parler.
— Qui êtes-vous ? Et que nous voulez-vous ?
Thorne grimaça un nouveau rictus menaçant.
— On est l’armée de Garlemald. On vient recruter des volontaires.
D’un geste, il ordonna aux soldats de l’emmener. Effaré et dépité, Kyuuji n’avait plus la force de se débattre. Il se laissa conduire jusqu’à l’entrée du village où un convoi de véhicules pourvus de cellules l’attendait. Les soldats lui passèrent des fers et des entraves aux chevilles et le firent monter dans une des cellules, en tête du convoi.
En quelques heures, tous les véhicules étaient pleins d’hommes, de femmes et de d’adolescents. La majorité d’entre eux étaient soit apeurés, soit désespéré, mais il y avait quelques personnes résignées. C’était le cas de Venceslas. Il avait aussi réussi à se faire enfermé dans la même cellule que Kyuuji. Il avait toujours été plus débrouillard que le Raen. Plus débrouillard et plus rapide à s’adapter.
Une fois le convoi en route, les deux amis regardèrent le village s’éloigner derrière eux. Il n’y avait personne pour les voir partir et le silence régnait dans les cellules.
Venceslas se rapprocha du Raen et lui indiqua le Lieutenant Thorne d’un signe de tête.
— Ils veulent nous forcer à combattre pour eux en échange de la sécurité de ceux restés au village.
Kyuuji hocha la tête.
— Je m’en doutais. Des volontaires, hein…
Acquiesçant d’un air dépité, le Hyurois s’assit par terre et s’installa le plus confortablement possible malgré les entraves. Il fit signe aux autres de l’imiter et ouvrit la bouche pour parler, mais ce fut un cri que le Raen entendit.
— Kyu, réveille-toi bon sang !