Venceslas ne semblait pas s’émouvoir du récit du Raen. Pour toute réaction, il se passa une main sur le menton.
— Et de quoi tu te souviens ?
Kyuuji ferma les yeux en se remémorant son premier songe.
— D’un combat. Tu m’avais sauvé la vie.
— C’était quand ?
L’absurdité de la question fit rejaillir la frustration de Kyuuji. Il bondit et s’emporta.
— Comment le saurais-je, Miller ?
Venceslas serra les poings et se leva à son tour, hors de lui. Il attrapa le Raen par le col de sa chemise et le tira, le forçant ainsi à se pencher vers lui. Le Hyurois grogna entre ses dents.
— Je t’interdis de m’appeler par mon nom !
L’instant d’après, tous deux furent surpris par leur propre réaction et celle de l’autre. Ils se dévisagèrent quelques secondes avant de se rasseoir exactement en même temps. Venceslas fit claquer sa langue de frustration en détournant les yeux. Le Raen réalisa que la situation était aussi délicate pour lui que pour le Hyurois. Mais aucun d’eux ne s’excusa de sa réaction excessive.
Venceslas finit par rompre le silence en revenant au sujet initial.
— J’imagine que tu ne peux pas le deviner. Quels uniformes portions-nous ?
— Je n’y faisais pas attention dans mon souvenir, laisse-moi me concentrer.
Un silence tendu s’installa et s’éternisa le temps que Kyuuji se rappelle de ce qu’il avait considéré comme un insignifiant détail au moment des faits
— Je portais une robe rouge et noire. Nos compagnons et toi portiez une armure ornée d’un oiseau aux mêmes couleurs. C’est tout ce dont je me souviens.
Venceslas hocha la tête.
— Je vois. Tu as d’autres souvenirs ?
Le rêve suivant avait tellement marqué le Raen qu’il n’eut aucun mal à s’en rappeler.
— Nous étions sur un bateau pour Eorzéa. Nous nous disputions…
Il n’eut pas besoin de terminer sa phrase pour que le Hyurois comprenne de quoi il parlait. Venceslas la compléta d’un ton las.
— A propos d’un allé simple. Je savais que tu m’en voulais pour ça.
— Non, je n’étais pas fâché contre toi ce jour-là. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai ressenti aucune rancœur, juste des regrets.
Venceslas parut d’abord soulagé puis de nouveau soucieux.
— Je te crois. Quoi d’autre ?
Quelque chose dans le comportement et l’empressement du Hyurois agaça Kyuuji. Il plissa les yeux et sa voix se fit plus sévère.
— Un souvenir de mon enfance. De ma famille. Nous venons du même village et étions amis.
Venceslas hocha la tête presque tristement.
— C’est vrai, nous avons grandi ensemble.
Le Hyurois le regardait comme attendant la suite. Qui ne venait pas.
— Rien d’autre ? s’inquiéta Venceslas.
Une pointe d’effroi transparut dans sa voix. Quand Kyuuji secoua négativement la tête, le visage de l’homme se décomposa. Il s’affala sur le dossier de sa chaise et rejeta la tête en arrière amèrement.
— Avec si peu de souvenirs. Et ceux-là en plus. Je comprends ta colère.
Après un silence pesant, Venceslas reprit doucement.
— Je ne sais pas quoi faire. Je pourrais tout te raconter. Avant, tu m’aurais cru sur parole. Mais dans ton état, je pense qu’il vaut mieux attendre que tes souvenirs te reviennent.
Écœuré et en colère, Kyuuji ne put qu’approuver sèchement.
— En effet.
De nouveau, un lourd silence s’installa. Ils évitaient soigneusement de croiser le regard de l’autre pendant un long moment. Venceslas finit par se redresser et reprit la parole.
— Tu ne peux pas rester comme ça. Ici et seul, je veux dire. J’ai des obligations à remplir à Gridania. Je pense que tu devrais m’y accompagner.
Après une courte pause, il ajouta sombrement.
— Au moins le temps que tu trouves mieux à faire, si ma présence t’est insupportable.
Réalisant qu’il avait raison, le Raen lui fut reconnaissant de sa proposition.
— Gridania ?
Venceslas se leva en souriant, apparemment soulagé et content. Il sortit quelques gils d’une poche et les déposa sur la table.
— Gridania, confirma-t-il. Je t’expliquerai ce que tu dois savoir du coin pendant le trajet, nous en avons pour plusieurs jours.
Kyuuji se leva à son tour et regarda la bière qu’il n’avait même pas entamée.
— Je viens de réaliser que j’ai commandé une bière, que je ne l’ai pas but et que je n’ai pas de quoi la payer.
Venceslas éclata de rire. La bêtise du Raen avait au moins le mérite d’avoir réduit la tension à néant. Le Hyurois sourit d’un air complice et se dirigea vers la sortie. Kyuuji partit dans un fou rire à peine contrôlable en remarquant que le Hyurois n’avait rien commandé.